Justice est explosive. ◊ Justice est féministe. ◊ Justice se bat comme un homme. ◊ Justice lit un bouquin par jour, c'est la santé pour toujours. ◊ Justice crache dans ton Yop. ◊ Justice tabasse les trolls. ◊ Justice drague comme elle respire. ◊ Justice couche et elle déteste autant les sentiments que les lendemains. ◊ Justice c'est pas la bonne copine. ◊ Justice se fait belle pour oublier qu'elle se sent laide. ◊ Justice s'entend mieux avec les animaux au final.◊ Justice est curieuse de tout. ◊ Justice va sans doute essayer de te mettre dans son lit. ◊ Justice n'a aucune pudeur. ◊ Justice en impose.

Justice… Justice n’est pas commune, ça c’est certain. Elle croit aux contes de fée et au bonheur comme tu crois aux Ronflaks Cornus. Elle se contente d’arpenter sa voie, brillante et dynamique, parce qu’elle sait qu’elle est douée dans son domaine. Les chevaux… Et la peinture. Ce sont les deux choses qu’elle préfère dans ce monde, viennent ensuite l’apprentissage, qui passe par la lecture, les soirées dans ce bar qu’elle adore, sa famille, le sexe… Justice aime beaucoup de choses. Mais c’est bien plus sécurisant pour elle de se cacher sous une façade acariâtre et violente, histoire qu’on lui foute un peu la paix.

Cela fonctionne plutôt bien. Justice n’a pas d’amis. Elle n’a que des amants, des collèges, des potes, et une bonne brochette d’ennemis. C’est ainsi, elle s’y est habituée et ça lui va parfaitement. Frapper d’abord, causer ensuite, c’est comme ça qu’elle fonctionne pour former autour d’elle une carapace tranchante comme un katana. Elle parle peu et quand elle sent que quelqu’un commence à compter pour elle, elle s’empresse de tout gâcher pour ne pas être exposée aux blessures que cette personne pourrait lui infliger.

Justice, c’est une écorchée. Elle tient debout parce qu’elle a une volonté immense. Quelqu’un d’autre se serait effondré en chouinant lamentablement. Elle s’est promis de ne plus pleurer et elle est bien partie pour tenir sa promesse. Elle est une écorchée, mais une écorchée qui hurle et rugit pour ne plus jamais se laisser piétiner. Et elle a un caractère épouvantable. Elle le sait parfaitement. Le pire… Le pire c’est que ça l’amuse. Eh ouais.

Elle est capable de douceur, qu’on ne s’y trompe pas. Une fois franchie la barrière piquante dont elle s’entoure, on découvre une jeune femme fragile et effrayée, celle qui aime regarder le ciel des heures durant, celle qui a toujours froid et adore les câlins. Elle aime se dire que personne n’est parvenu à découvrir cela… Ce n’est qu’un mensonge de plus. Elle est très douée pour mentir.

Heureusement, entre la barrière et le vrai, il y a des points communs. Elle est capable d’être égale à elle-même en se cachant lâchement de tout ce qui pourrait lui faire du mal. Elle ne réfrénera jamais sa curiosité et son envie de savoir. De tout savoir. Elle a une excellente mémoire et adore la lecture. Elle ne supporte pas de voir quelqu’un de fort s’en prendre à plus faible que lui. Elle n’hésitera jamais à rendre les coups, à frapper plus fort, à défendre ceux qui n’osent pas demander.

Parce que quoi qu’il arrive, elle restera profondément ce qu’elle était.

Les histoires de ce genre commencent un peu bizarrement. C’est inévitable. Comme dans ces romans où tu es spécial parce qu’un coyote t’a pissé dessus quand tu étais bambin et depuis tous les coyotes sont tes amis. Ouais, c’est ridicule. Va dire ça aux auteurs écoute. Par contre t’es gentil, t’attends que j’aie fini de raconter hein. Cette putain d’impolitesse chez les jeunes de nos jours, je vous jure… Bref. Justice, donc.

Justice, elle est née un cinq novembre et déjà rien que ça, ça claque. Mais si, tu sais, la conspiration des poudres, bhen c’était ce jour-là. Enfin ce jour-là, mais en mille-six-cents-cinq hein. Et encore ça c’est selon le calendrier julien mais si on commence à disserter à ce propos on s’en sortira jamais. En plus il y a plein d’autres trucs à dire donc t’es gentil et tu sors de Wikipédia. Insolent. Justice, elle est née prématurée. Plus d’un mois d’avance. Autant dire qu’elle n’était pas robuste au moment de sa naissance. Elle n’a pu être récupérée par sa famille qu’après une batterie d’examens, histoire de voir si quelque chose clochait. En définitive, quelque chose clochait, oui, mais ça n’a pas pu être décelé tout de suite.

Ses parents ont une propriété en Bretagne. Ils élèvent des chevaux, principalement des Frisons et des Tinkers, alors elle a très tôt baigné dans cet univers. Elle a appris à montrer avant d’apprendre à marcher et quand elle avait cinq ans, elle a commencé à s’échapper de son lit pour aller dormir aux écuries avec les chevaux. C’est son grand frère, Elliot, de six ans son aîné, qui lui a appris à panser un cheval dans les règles de l’art, en la tenant dans ses bras pour qu’elle s’occupe de Brouillard, le seul shetland de la maisonnée.

A l’école, elle montrait deux facettes d’elle-même : en récréation elle se battait fréquemment contre les garçons qui pensaient que « les filles c’est trop nul » et en classe, elle était si sage et si appliquée que ses notes frôlaient l’excellence. Les professeurs ont toujours eu du mal à se positionner par rapport à son comportement : ils ne pouvaient s’empêcher d’être chavirés par son regard intelligent et son attitude appliquée, et en parallèle ils ne pouvaient approuver ses emportements pourtant amplement justifiés.

Avec sa famille, elle a appris plein de choses. Le piano, la guitare, la musique, la couture, la cuisine, les origamis, le jardinage et le bricolage, la peinture, le dessin au fusain, les subtilités de la randonnée… Il n’est pas une seule chose qu’elle ait refusé d’apprendre. Sa mère l’a inscrite à des cours de jujitsu quand elle avait six ans, puis de krav-maga quand elle en a eu douze. Elle n’a cessé de pratiquer ni l’un ni l’autre. C’est bien trop pratique pour botter le cul de connards machistes qui emmerdent des filles sous son nez.

C’est quand elle a fait un scandale dans un magasin, du haut de ses huit ans, parce que les jouets de cuisine étaient toujours roses et que le rose c’est moche et c’est pas parce qu’on est une fille qu’on doit aimer le rose, que ses parents ont compris qu’ils élevaient sans doute une graine de féministe. Aujourd’hui encore, ils sont fiers, parce qu’elle n’a pas froid aux yeux et assume ses opinions jusqu’au bout.

Elle avait douze ans et demi quand elle a participé à son premier concours de dressage. Elle ne l’a pas gagné, mais l’expérience lui a plus, alors elle a recommencé. Encore et encore. À treize ans, elle a décroché sa première seconde place et trois mois plus tard elle était en haut du podium.  Elle concourrait au nom de l’écurie gérée par ses parents, d’ailleurs elle a toujours fait comme ça. Loyale jusqu’au bout, tu vois.

Il y a eu un problème, quand elle est entrée dans l’adolescence. Elle avait de la poitrine, de l’acné, tout le touintouin, mais deux choses ne sont jamais arrivées : ses règles et la pilosité. Elle est allée voir un médecin avec ses parents et après divers examens, il a été formel : Justice est stérile. Le fait qu’elle soit glabre n’en est qu’une conséquence. Elle n’aura jamais d’enfant. Pour l’instant, elle ne se rend pas trop compte de ce que ça implique, elle n’est même pas sûre de vouloir un chiard. Au fond, ça l’arrange même carrément quand elle voit comment ses copines galèrent entre les crampes au ventre et l’épilation.

Il y a eu ce mec. Jonah, qu’il s’appelait. Un ami d’Elliot, plus jeune que lui, plus âgé qu’elle. Elle est tombée amoureuse, parce qu’il avait du charme avec ses longs cheveux châtains et sa voix grave, un peu trop adulte, mais aussi parce qu’il était intelligent et ne cessait de la défier, de la pousser en avant. Elle est tombée amoureuse, et lui aussi, petit à petit. La parfaite histoire d’amour à l’eau de rose, le genre qu’on voit dans les comédies romantiques françaises surtout. Et jamais dans la vraie vie. Elle aurait dû le savoir, sauf qu’elle était pas objective.

Il a voulu coucher avec elle, après plus d’un an de relation. Tout allait bien, il avait fait un truc romantique à souhait, il se montrait doux, prévenant. Elle se sentait bien. Et puis, à un moment, ça a basculé. Même aujourd’hui elle ne sait pas si c’était le poids de son corps sur le sien, une caresse trop pressante, mais elle n’a plus voulu. Elle s’est arquée contre lui, elle a tenté de le repousser. La peur lui volait ses forces. Il a continué alors qu’il aurait dû s’arrêter. Il a continué et en elle, quelque chose s’est fendillé.

Dès qu’il a eu fini, elle s’est rhabillée et est partie de chez lui en trombe, promettant d’une voix brisée de lui casser la gueule s’il osait se repointer dans son champ de vision. Elle s’est réfugiée dans les bras de son frère et a pleuré si fort qu’elle n’a plus eu de larmes, par la suite, pour quoi que ce soit. Elle a essayé de lui expliquer, sans parvenir à trouver les mots, mais il a compris. Lui non plus n’a jamais revu Jonah.

Justice a commencé à décliner. Elle passait des heures à l’écurie dans un silence profond et explosait de colère dès qu’on tentait de la faire changer d’air, s’acharnait à avoir les meilleures notes dans tous les cours jusqu’à s’en rendre malade, mais surtout, surtout, elle mangeait et buvait de moins en moins. Elle a perdu beaucoup de poids en à peine quelques semaines et il a fallu l’aide d’un nutritionniste et d’un psychiatre pour qu’elle se reprenne. Elle a repris les concours, les sorties avec ses camarades de classe, s’est remise à cuisiner et à se nourrir… Mais quelque chose s’est définitivement brisé en elle.

Elle est combative, Justice. Elle s’est laissée aller une fois et s’est juré qu’on ne l’y reprendrait plus. Elle a décroché son BAC avec les félicitations du jury – c’est ça d’avoir dix-neuf de moyenne partout – et s’est à nouveau placée définitivement sur les premières places des podiums des différents concours. Les spécialistes disent qu’elle pourrait bien un jour représenter la France aux Jeux Olympiques dans sa discipline. Et à côté de tout ça, sous un faux nom, elle s’est vraiment impliquée dans la peinture, vendant quelques toiles sans chercher le succès explosif, juste de quoi gagner de l’argent pour elle seule.

Elle vit dans une maison, pas trop loin de celle de ses parents ni de l’appartement de son frère, ne se décidera sans doute jamais à tenter des études supérieures et son salon croule sous les œuvres de fiction. Elle est sous le coup d’une véritable boulimie de savoir, la nécessité de vivre sa vie à fond, celle de sortir draguer tous les soirs où c’est possible et de rentrer avec une conquête qu’elle ne reverra jamais, bref, elle est elle-même.

Et un jour, elle décide d’aller visiter les studios Harry Potter en Angleterre…